Même l'art moderne est un animal fabuleux.
"C'est alors que je distinguai deux langages que j'entendais ensemble-depuis trente ans. Celui de l'apparence, celui d'une foule qui avait sans doute ressemblé à ce que je voyais au Caire : langage de l'éphémère. Et celui de la Vérité, langage de l'éternel et du sacré. Sans doute l'Egypte découvrit-elle l'inconnu dans l'homme comme le découvrent les paysans hindous, mais le symbole de son éternité n'est pas un rival de Çiva qui reprend, sur le corps écrasé de son dernier ennemi, sa danse cosmique dans les constellations : c'est le Sphinx. Il est une chimère, et les mutilations qui en font une colossale tête de mort accroissent encore son irréalité. Mais je découvrais que c'est vrai aussi des cathédrales, des grottes de l'Inde et de la Chine ; et que l'art n'est pas une dépendance des peuples de l'éphémère, de leurs maisons et de leurs meubles, mais de la Vérité qu'ils ont créée tour à tour. Il ne dépend pas du tombeau, mais il dépend de l'éternel. Tout art sacré s'oppose à la mort, parce qu'il ne décore pas sa civilisation, mais l'exprime selon sa valeur suprême. Je n'entendais pas alors le mot : sacré, avec un son funèbre. La Victoire grecque m'apparais-sait comme un sphinx du matin. Seuls durent les réalismes d'outre-monde, et je découvrais que, pris en bloc, même l'art moderne est un animal fabuleux."
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